Mort : Robert Badinter

Un géant de la justice

Figure incontournable du paysage juridique français et européen, Robert Badinter s'est éteint à l'âge de 95 ans. Avocat émérite, ténor du barreau, homme d'état et fervent défenseur des droits humains, il laisse derrière lui un héritage immense, marqué par son combat incessant pour la justice et l'égalité.

« Je vois que vous attendez un heureux événement, espérons que ce soit un garçon qui défendra glorieusement la France et la République », disait le commissaire du XVIe arrondissement de Paris à la mère de Robert Badinter lorsqu'elle recevait son décret de naturalisation française...

Son enfance est marquée par la déportation de son père qui meurt quelques mois plus tard dans un camp de concentration en Pologne. Robert Badinter trouve alors refuge avec sa mère à Chambéry. Cette tragédie a profondément influencé son engagement en faveur de la justice et du respect des droits fondamentaux.

Jeune adulte, il suit des études de lettres et de droit avant d'ouvrir son propre cabinet. Défense du baron Empain, Coco Chanel, Aga Khan... Avocat brillant, il s'est illustré dans la défense de grandes causes, plaidant notamment pour les accusés du procès de Bobigny en 1962, où il a obtenu l'acquittement d'une jeune femme accusée d'avortement nous rappelle Le Figaro.

Robert Badinter multiplie les clients médiatiques, mais sa vie bascule en 1972...

Cette année-là, il défend Roger Bontems, un ex-militaire devenu délinquant. Jugé dans le cadre d'une affaire de prise d'otages, il est condamné à la peine de mort et guillotiné en dépit des efforts de son avocat. Robert Badinter parvient cependant à sauver son complice Patrick Henry de la peine capitale.

Un avocat engagé contre la peine de mort

« Vous n’imaginez pas l’angoisse de celui qui a cinquante minutes et simplement des mots pour arracher un homme à la mort. Cette mort, vous sentez sa présence invisible. Je ne mangeais plus. Je ne dormais plus », confiait-il en 1998 au journal Ouest-France. Robert Badinter s'est illustré comme un avocat tenace dans son combat contre la peine capitale. Son engagement s'est cristallisé lors de procès médiatiques, culminant avec la condamnation du négationniste Robert Faurisson en 1981.

Garde des Sceaux : abolir la peine capitale et réformer la justice

Devenu ministre de la Justice sous François Mitterrand, Badinter a marqué l'histoire en abolissant la peine de mort en 1981, malgré une opinion publique majoritairement favorable. Son passage à la chancellerie a également été marqué par la dépénalisation de l'homosexualité et la mise en place d'un régime d'indemnisation pour les victimes d'accidents de la route.

Président du Conseil constitutionnel et figure respectée

Après son passage au gouvernement, Badinter a présidé le Conseil constitutionnel de 1986 à 1995, s'imposant comme un défenseur vigilant de la Constitution. Sa carrière politique s'est ensuite poursuivie au Sénat de Paris jusqu'en 2011.

Un homme de convictions et d'engagements multiples

Homme de lettres et fervent défenseur des droits humains, Badinter a continué à se mobiliser après sa retraite, notamment en 2015 pour réformer le Code du travail. Sa dernière apparition publique a eu lieu en 2021 au Panthéon, lors de la commémoration des 40 ans de l'abolition de la peine de mort, symbole de son combat inlassable pour la justice et l'humanisme.

Sa disparition laisse un grand vide dans le paysage national et international. Mais son héritage perdurera, inspirant les générations futures à poursuivre le combat pour un monde plus juste et plus fraternel.

Le président de la République, Emmanuel Macron, a salué la mémoire de Robert Badinter, « un géant de la justice et un immense homme d'état ». De nombreuses personnalités politiques et du monde juridique ont également rendu hommage à cet homme d'exception qui a marqué l'histoire de son empreinte.