Mémoire : Michel Pinçon

Le monde de la sociologie a perdu un grand nom

Michel Pinçon est mort ce lundi 26 septembre 2022, à l’âge de 80 ans selon le journal l’Humanité. Il s’est éteint à son domicile, en région parisienne. Michel Pinçon était atteint de la maladie d'Alzheimer, selon son épouse, Monique Pinçon-Charlot.Ancien directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Il s'était d'abord intéressé à la sociologie des ouvriers, avant de se tourner vers la transmission de la richesse dans la noblesse et la haute bourgeoisie. « Michel a toujours été habité par cette volonté de comprendre les injustices, qu'elles soient sociales, économiques, et surtout symboliques, celles dont il a le plus souffert lui-même », a expliqué son épouse.

Le sociologue a grandi dans une famille ouvrière à Lonny, un village des Ardennes. « Il a été passionné, habité par la sociologie depuis son enfance, avec son origine ouvrière de la vallée de la Meuse et son attachement à l'État providence qui donnait à des enfants comme lui la possibilité de faire ses études », a dit son épouse qui pour sa part est d'origine bourgeoise, fille d'un magistrat. Ils se sont rencontrés en 1965 lors de leurs études à Lille. Fascinés par la sociologie de Pierre Bourdieu, ils ont fait une longue carrière de chercheurs à partir des années 1970. « Michel a toujours été habité par cette volonté de comprendre les injustices, qu'elles soient sociales, économiques, et surtout symboliques, celles dont il a le plus souffert lui-même », a expliqué son épouse.

« Je dis toujours que nous avons écrit 27 livres à quatre mains »

L'essentiel de son œuvre a été écrit en collaboration avec son épouse. Comme le souligne Le Monde, leurs ouvrages de référence s'appellent « Les Beaux Quartiers » (PUF, 1989) ou encore « Les Ghettos du gotha » (Seuil, 2007). Il avait d'abord publié deux livres sur les milieux populaires, dont un en 1982 (« Cohabiter ») à l'issue d'une longue enquête en immersion dans une cité HLM de la banlieue de Nantes. Constatant le désintérêt de leurs collègues sociologues pour les plus favorisés, le couple avait choisi de se plonger dans la vie des familles fortunées. Ils avaient pu mener des entretiens dans ce milieu et partager un peu la vie des très riches, dont ils étaient extrêmement critiques. «Vivant pour l'essentiel dans leurs quartiers et dans des espaces protégés, les classes privilégiées n'ont guère de contacts avec les autres groupes sociaux», écrivent les auteurs de «Dans les beaux quartiers».

Depuis leur retraite en 2007, plusieurs de leurs déclarations ont fait polémiques, car elles s’apparentaient à des opinions plutôt qu’à des avis scientifiques. Les deux sociologues ont notamment publié des pamphlets contre deux présidents de la République :

⦁ Ce fut Nicolas Sarkozy en 2010, dans "Le Président des riches : enquête sur l'oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy".
⦁ Viendra ensuite Emmanuel Macron en 2019, dans "Le Président des ultra-riches : chronique du mépris de classe dans la politique d'Emmanuel Macron".

Les quotidiens d’Ardennes insistent sur le fait que le couple de sociologues engagé politiquement à gauche, a pris des positions parfois vivement critiquées, pour une taxation des riches surtout. Et c’est naturellement que les chefs de partie de cette sensibilité, lui rendent hommage :

⦁ « Michel Pinçon n'a jamais fait semblant d'être neutre », a écrit le maire socialiste de Marseille, Benoît Payan.
⦁ Le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel a rendu "hommage à ce compagnon de route, grand sociologue, qui n'a eu de cesse, avec Monique, de décrypter les rapports de domination sous toutes ses formes".
⦁ Soutien de Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne présidentielle de 2012, le chef de La France insoumise a lancé : « Mille et un mercis pour tout ce qu'ils nous ont apporté sur le plan de la compréhension du monde et la volonté de combattre celui que se sont approprié les riches ».

Témoin bicéphale des mutations de la société française et de ses élites sur un demi-siècle, on parle très rarement de Michel Pinçon et de Monique Pinçon-Charlot séparément, tant leurs parcours et leurs travaux sociologiques sont liés depuis les années 1960. Et si l’ancien directeur de recherche au CNRS tire aujourd’hui sa révérence, leur œuvre commune reste une référence pour les sciences sociales.